Cette série photographique est née à la suite d’une commande privée d’un collectionneur d’animaux exotiques. Très vite, le projet a évolué vers une réflexion plus intime et plus vaste. Il ne s’agissait plus seulement de capturer de « belles images », mais de laisser surgir ce que chaque prise de vue m’inspirait : une émotion, un souvenir, une scène, parfois même un rêve.
Chaque « clic » agit pour moi comme un déclencheur. Il m’envoie dans une zone sensible où les images dialoguent avec mes pensées, mes ressentis. De là émergent des fragments d’histoires que je tente de retranscrire visuellement.
Un des fils conducteurs de cette série est la tension entre l’être et l’intelligence artificielle. À travers ces compositions, je m’interroge sur la place de l’instinct, du vivant, dans un monde de plus en plus technologisé. Cette réflexion prend racine dans la figure imaginaire de la « Jolia », entité que j’explore intérieurement et qui me guide comme un totem poétique.
La couleur rouge, omniprésente dans la série, en est un autre symbole fort. Elle traverse mes images comme une émotion brute, un langage universel. Elle évoque la guerre, le jeu, l’amour, la peur, le désir, la force, la faim. Une couleur ambivalente, parfois sacrée, parfois interdite.
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“Tableau de chassE”

Une des premières représentations de cette série. Inspirée par l’idée de la « chasse après le chasse », elle met en scène l’animal comme sujet de contemplation. Lors de la prise de vue, j’ai observé chez l’animal dit « gibier » un comportement d’évitement, une quête d’ombre, de refuge par rapport à ces congénaires. Un instinct de retrait qui fait écho à celui de l’humain. L’image devient alors métaphore : elle questionne notre rapport à l’intimité, au secret, à la survie.
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“G-aap-erS”…overal!
Zoo… zijn wij niet 😉
of toch wel?

« G -aap-erS »
Un mot-valise, une moquerie douce, une observation acérée.
Ce titre, volontairement dissonant, est né d’un jeu d’image et de langage. Il détourne une expression flamande désignant ces personnes toujours aux aguets, guettant la moindre action du voisin, scrutant l’autre non pas par bienveillance, mais par curiosité déplacée, envie, ou simple besoin de savoir.
Le terme “aap” en flamand, signifiant “singe” en français, devient ici un clin d’œil à cette posture mimétique et réflexe : celle d’imiter sans comprendre, de copier sans créer.
Par cette image et ce titre, j’interroge une manière de vivre, une manière de faire.
Je la tourne en dérision, car il faut parfois rire pour mieux voir.
Ce comportement, autrefois cantonné aux fenêtres entrouvertes des quartiers, s’est démultiplié à l’ère des réseaux sociaux, où l’on scrolle la vie des autres comme on feuillette un catalogue de ce que l’on n’est pas — ou que l’on croit devoir devenir.
« g-aap-ers » est une invitation à s’éloigner du regard des autres, à quitter ce théâtre de l’apparence pour retrouver un peu de sincérité dans nos gestes, dans nos regards — et dans nos silences.
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“Oiseau de feU”

Cette œuvre symbolise l’envol, la métamorphose, la transcendance. Elle suggère une forme de libération : celle de l’instinct affranchi, du vivant qui reprend sa place. Son nom renvoie au Phénix, mais aussi à certaines figures spirituelles de feu qu’on retrouve en Asie comme en Méditerranée.
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“Histoire de nuiT”

Le rêve — ce territoire flou et fragile — traverse mon travail comme un fil invisible.
Il n’est jamais loin. Il s’invite, il s’impose parfois. Chaque série que je compose, chaque image que je capte, semble vouloir y revenir, y puiser quelque chose de plus grand que le visible.
Le rêve, c’est le lieu où s’entrelacent mes souvenirs, mes sentiments, mes histoires.
C’est un miroir brisé qui reflète un monde intérieur, à la fois intime et universel.
Je suis confronté à lui chaque jour — dans mes pensées, mes silences, mes questionnements. Il m’interpelle, il me hante, il me guide. Il est cette présence insaisissable qui donne sens au réel, cette matière flottante que je tente, par l’image, de figer un instant.
Dans mes représentations, le rêve devient matière à créer, à interroger. Il n’est pas une fuite, mais un retour. Une mémoire qui se construit autant qu’elle se fragmente. Un dialogue entre ce qui fut, ce qui aurait pu être, et ce qui — peut-être — sera.
Ce travail est une invitation à plonger dans ces mondes parallèles,
où la logique se tord, où l’émotion devient paysage,
et où chacun peut reconnaître, dans le flou d’une image, un éclat de soi.
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“SolitairE”

Elle vole à contre-courant, dans un monde qui ne l’attend pas.
La chauffe-souris — cette figure nocturne, souvent mal aimée, toujours mal comprise — devient ici un miroir de solitude choisie, d’identité en marge.
On la dit grégaire, faite pour la colonie, pour l’obscurité partagée.
Mais certaines, à l’écart, cherchent l’espace. Elles se détachent, s’éloignent du groupe, non par rejet mais par nécessité d’être — simplement, sincèrement.
Elles ne se reconnaissent pas dans la masse, ni dans l’agitation d’un vol trop serré.
Elles trouvent leur respiration dans la distance.
Elle parle de la fragilité de l’individu face à la norme du groupe, du besoin de retrait pour ne pas se perdre, de la beauté du silence quand le monde devient trop bruyant.
Dans cette série, la chauffe-souris est une métaphore.
Celle de la différence, de la solitude féconde, de l’existence en dehors des codes.
Un être suspendu entre ciel et nuit,
à la recherche d’un lieu où exister autrement.
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À travers ces tableaux, je cherche à rendre visible ce qui est souvent “Tu” : l’intériorité des êtres vivants, leur part sauvage, leur besoin de retrait. Mon regard croise l’animal, mais aussi nos conditionnements, nos traditions, nos croyances. C’est une tentative de dialogue entre les civilisations, les couleurs, et les émotions premières.
Ce travail est un voyage visuel, mais aussi symbolique. Une manière d’interroger ce que nous avons en commun, malgré la diversité de nos cultures : un lien profond avec l’instinct, la mémoire du sacré, et la puissance de l’imaginaire.

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/Collaboration avec Bunker Gallery pour digital photo sur Affordable Art Fair à Berlijn 2025
Travail réalisé au Sony a 9 ii
